5.2.2014
par Philippe Euzen
La sénatrice Esther Benbassa a déposé, le 28 janvier au Sénat, une proposition de loi « visant à autoriser l’usage contrôlé du cannabis ». Elle est aussi très active sur d’autres sujets de société tels que la procréation médicalement assistée (PMA), le mariage pour tous ou l’égalité hommes-femmes.
Vous avez déposé une proposition de loi afin de dépénaliser le cannabis. Pourquoi ?
Esther Benbassa : Nous avons déposé une proposition de loi dont le but est d’autoriser l’usage contrôlé du cannabis, ce qui inclut la dépénalisation. En France, nous avons la législation la plus répressive contre l’usage du cannabis mais nous avons beaucoup de consommateurs. C’est un problème.
Des pays qui ont dépénalisé, en Europe ou dans certains états des Etats-Unis, ne connaissent pas une telle montée en flèche de la consommation. Si nous nous organisons pour contrôler la culture du cannabis, les licences, la qualité, les quantités produites, etc., nous tirerons des gains que nous pourrons utiliser pour faire de la prévention dans les écoles, sur les emballages…
Pour l’instant, le sujet étant tabou, nous ne faisons pas de prévention. Il y a 2 millions de jeunes qui fument et 60 % de personnes qui déclarent avoir déjà goûté du cannabis. Nous devons donc prendre les choses en main avec pragmatisme.
Pensez-vous qu’après les manifestations qui ont conduit le gouvernement à céder sur la loi famille, une autre loi de société comme celle-là pourrait passer ?
Il n’y a pas de bon moment pour faire des lois sociétales. A ma grande surprise, le sujet a été très bien accueilli par les médias. De plus, l’objectif est de sensibiliser la société à cette question. Nous ne parlons pas de distribution gratuite. Ce n’est pas parce que l’alcool et les cigarettes sont en vente libre que tout le monde boit et fume. Si nous arrivons doucement à sensibiliser la société, à défaire les croyances infondées, nous pourrons peut-être y arriver.
Que pensez-vous de la décision du gouvernement de reporter l’examen du projet de loi famille ?
C’est plus qu’une reculade, c’est une abdication. Ce sont un peu les adieux à la loi famille. J’en suis vraiment désolée. Politiquement c’est un très mauvais signal de céder devant 80 000 personnes. En circonscription, les gens se demandent comment on peut faire confiance à un gouvernement qui baisse les bras aussi facilement.
J’estime que les propos du ministre de l’intérieur, Manuel Valls, étaient antidémocratiques. En affirmant qu’il n’y aurait pas d’amendements déposés sur la PMA ou la GPA, il a pris la place du Parlement. Après avoir entendu cela, nous avons fait une croix sur la loi famille. Il s’agissait de réformes comme le statut du beau-parent que tout le monde attendait.
Je vais donc déposer un texte au nom des Verts du Sénat, très probablement mercredi prochain [le 12 février], pour que la PMA soit accessible à tous les couples, ainsi qu’aux femmes seules. Les écolos se réuniront mardi pour discuter des détails et construire le texte.
Avez-vous eu des discussions avec les parlementaires socialistes à ce sujet ?
Non, nous n’avons pas pu en discuter avec nos collègues socialistes. Ils ont peur. Ils sont passés à autre chose et s’affairent sur d’autres thématiques.