Source: Les Inrocks.com
05 mars 2013
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Comme prévu, Dominique Broc a déposé lundi les statuts de la Fédération des Cannabis social clubs à la préfecture de Tours (Indre-et-Loire). Une réelle avancée vers la légalisation du cannabis en France ? C’est possible.
par Carole Boinet
En juin dernier, des militants antiprohibitionnistes installés à Tours annonçaient, lors d’un “appel du 18 joints”, la création de Cannabis social clubs en France et proclamaient leur intention de se déclarer en préfecture. Huit mois plus tard, ils ont mis leur projet à exécution. Lundi, leur porte-parole, Dominique Broc, a en effet déposé les statuts d’une fédération des Cannabis social clubs à la préfecture de Tours, et ce malgré ses récents démêlés judiciaires.
Le 21 février, ce jardinier de profession a reçu la visite matinale de la police, venue perquisitionner son domicile et l’embarquer pour une nuit au poste. Son procès est fixé au 8 avril, devant le tribunal correctionnel de Tours. Ce qui a le don de le mettre en rage. Non pas parce qu’il comparait devant la justice (“je suis complètement serein”, affirme-t-il) mais parce qu’il passe devant un tribunal correctionnel et non une cour d’assises spéciale comme le voudrait pourtant la loi. “Je vais demander à passer en cour d’assises, car c’est la loi. Si la loi n’est pas applicable on la modifie !” explique-t-il, dénonçant l’hypocrisie du gouvernement, qui appelle les producteurs de cannabis “cannabiculteurs” au lieu, selon lui, d’utiliser le terme de “criminels du cannabis”. “On m’a perquisitionné, on m’a tout pris, on estime donc bien que je suis un criminel !” Il liste tout ce que les policiers lui ont pris : ordinateur, téléphone portable, magazines, vaporisateurs… “mais on m’a laissé mes feuilles. Le message c’est donc ‘on s’en fout que vous vous bousillez les poumons !’”
Car, chose surprenante, Dominique Broc s’oppose à la consommation de joints et entend bien “ringardiser le pétard”.
“C’est la pire des consommations qui soit, ça ne protège en rien les poumons, la combustion est hyper cancérigène. On promeut la consommation par vaporisation, par ingestion en mettant du THT dans du beurre ou des gâteaux par exemple”, explique-t-il.
Lutter contre le marché noir
Les Cannabis social clubs ont pour objectif d’encadrer et de réguler la consommation de cannabis. Le fonctionnement d’un club est très simple : les membres mettent leur production en commun, en réservent 10% pour d’autres clubs qui en manqueraient, et 10 autres pour financer “l’expérimentation thérapeutique” (se soigner avec du cannabis). Mais attention, pas question ici de prendre sa carte d’adhérent pour fumer de la marijuana tranquillement. Il faut être coopté par un autre membre pour faire partie d’un club, histoire que “les gens se connaissent vraiment, en réel et non en virtuel”, explique Dominique Broc, qui ajoute qu’”un consommateur ne peut pas être inscrit dans plusieurs clubs, comme ça se fait en Espagne.” Un moyen de “connaitre la consommation réelle du cannabis en France“, qui est pour l’instant inconnue.
Autre cheval de bataille : le marché noir, qui constitue le principal argument des Cannabis social clubs en faveur de la légalisation :
“On nous parle souvent d’escalade du cannabis vers l’héroïne, moi je parle d’une autre escalade : celle d’une jeunesse qui va se fournir au marché noir et qui soutient donc les mafias.”
Pour Dominique Broc, la légalisation du cannabis résorberait, en partie, le problème de la surpopulation carcérale : “Toutes les prisons sont pleines, notamment de délinquants qui le sont devenus en étant confrontés au marché noir dès leur plus jeune âge. Au lieu de remplir les prisons, il faudrait peut-être stopper l’hémorragie.” Il assène : “Ça fait 40 ans qu’on mise sur le tout répressif et c’est mauvais, sauf pour l’économie souterraine qui s’en met plein les poches. Je pensais qu’en France on luttait contre le trafic et non contre la drogue. Pourquoi lutter contre la drogue puisqu’on sait qu’un monde sans drogues n’existera jamais ?” Selon lui, en constituant un réseau de producteurs français, les Cannabis social clubs favoriseraient le “made in France”, un point essentiel “en période de crise”.
Dernier argument : l’avancée en la matière de certains pays européens, comme l’Espagne – qui a déjà autorisé les Cannabis social clubs – ou le Portugal, qui a dépénalisé la consommation de stupéfiants en 2000. Mais pas question de ressortir le modèle hollandais des coffee-shops qui, pour Dominique Broc, “donnent pignon sur rue à des produits qui viennent d’un peu partout et qui passent par des mafias”.
Vingt ans de réclusion criminelle et 750 000 euros d’amende
Reste qu’en déclarant les Cannabis social clubs français le 25 mars prochain, comme prévu, les militants prennent un gros risque. L’article 222-35 du Code pénal punit la “production ou la fabrication illicite de stupéfiants” de vingt ans de réclusion criminelle et de 750 0000 euros d’amende. Des arguments qui n’intimident pas Dominique Broc :
“Ils peuvent essayer de couper la tête d’un membre mais couper une tête c’est un peu comme pour une plante, il y en a deux ou trois qui repoussent. Ce n’est pas la peine de rester sur cette hypocrisie. Nous, on propose d’être encadrés par les autorités.”
Et s’il se retrouve condamné à une peine d’emprisonnement le 8 avril prochain, il prévoit d’entamer une grève de la faim. “Et j’irai jusqu’au bout“, prévient-il.