Source: Le Point
6 janvier, 2013
Des cultivateurs qui se regroupent depuis 2009 pour faire pousser leurs plants, ont l’intention de se déclarer dans les préfectures en février.
Depuis 2009, des cultivateurs se regroupent dans des “Cannabis social clubs “, estimés entre 150 et 200 en France, pour faire pousser et partager leurs plants, avec l’intention de se déclarer dans les préfectures en février, un “acte de désobéissance civile”, selon Dominique Broc, le porte-parole national du projet.
“C’est un acte de désobéissance civile. Nous voulons imposer notre activité”, assure à l’AFP Dominique Broc. À visage découvert, il présente un “espace de culture” d’une dizaine de mètres carrés, installé à son domicile. Des lampes bleues à économie d’énergie, allumées 18 heures par jour, font croître les plantations de chanvre alors que des lampes jaunes au sodium, en activité douze heures par jour, les chauffent afin d’en permettre la floraison. “Nous produisons pour protéger notre société des effets pervers des mafias qui sont en train de s’implanter sur le territoire pour produire du cannabis, souvent frelaté, à grande échelle et le revendre à nos enfants”, explique ce jardinier de profession.
Frais partagés
Dans cette production collective, seize personnes partagent les frais solidairement : le chanvre, le terreau, les engrais et l’électricité. “Chacun au prorata de sa consommation (de 500 grammes à 3 kilos), paye en fonction de son besoin au prix de revient”, précise Dominique Broc, qui compare cette activité à celle des coopératives : “Nous ne souhaitons pas vivre du fruit de notre production. Nous avons tous un travail à côté. À la poussière près, nous sommes capables de dire ce que nous produisons.”
Selon lui, les liens de confiance unissant les membres du club, fermé aux mineurs, éliminent tout risque de revente. “En partageant les frais, on arrive à un coût de 25 centimes le gramme, voire inférieur, alors qu’au marché noir, on trouve la même chose d’une qualité douteuse entre 10 et 15 euros”, assure-t-il. Le club compte notamment un électricien, un médecin et un chauffeur de taxi qui fument pour “un confort de vie” ou pour “des raisons thérapeutiques”. Il cite aussi l’exemple d’une femme atteinte d’une sclérose en plaque qui “soulage ses douleurs avec l’aval de son médecin, en fumant du cannabis”.
Le Cannabis Social Club, installé en Touraine depuis trois ans, récolte 23 kg de fleurs de chanvre chaque année. Selon lui, la police le sait. Il insiste même : “J’imagine qu’elle nous surveille et voit donc bien qu’on ne fait pas de trafic. Comme elle, on lutte contre le trafic de drogue, mais à notre manière, sans l’argent du contribuable.”
“Lutter contre le fléau de la prohibition”
Si ces militants “en faveur d’une dépénalisation du cannabis” partagent solidairement les frais de leur culture, ils en partagent aussi les ennuis éventuels. En France, l’article 222-35 du code pénal dispose que la production ou la fabrication illicites de stupéfiants sont punies de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende. Ces faits sont punis de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis en bande organisée.
Pour faire entendre leurs revendications, les “Cannabis Social Clubs français” ont l’intention de se déclarer à la préfecture au cours du mois de février prochain. Dominique Broc estime vouloir “lutter contre le fléau de la prohibition qu’il connaît bien” pour avoir été condamné en 1990 à dix-huit mois de prison pour possession de marijuana.
“Vandalisés par des petits dealers”
“On veut que notre action soit reconnue d’utilité publique, n’ayons pas peur des mots”, renchérit pour sa part Farid Ghehioueche, autre fondateur des Cannabis Social Clubs, membre de l’association Cannabis sans frontières et ancien candidat aux législatives dans l’Essonne sous l’étiquette “cannabis santé liberté justice”.
“On va faire des démarches de déclarations officielles”, avec un certain nombre de dispositions pour faire avancer le débat et “revendiquer collectivement une sortie de la prohibition” du cannabis, ajoute-t-il. “On n’est pas là pour faire du business, mais pour vivre sans prendre de risques en achetant au marché noir des produits de qualité douteuse. Et pour être reconnus par l’État comme des citoyens à part entière”, explique-t-il.
“Nous attendons une position du gouvernement responsable qui pour l’instant se fait complice de l’économie souterraine”, affirme aussi Dominique Broc. “Nos principaux ennemis sont les dealers”, explique-t-il, s’appuyant sur un incident survenu il y a quelques années à Joué-lès-Tours : “Nous voulions expliquer notre démarche à la population sur un stand. Nous avons été vandalisés par des petits dealers de quartier, car nous leur coupons l’herbe sous le pied !”