Source: La Rapporteur
11 octobre de 2011
Par Alaebennani
Pour le militant rifain des droits de l’Homme Chakib Khyari, un débat national sur la légalisation de la culture de cannabis est une urgence. Voilà pourquoi.
Après deux ans et trois mois passés en prison, Chakib Khyari fait de nouveau parler de lui. Fort de l’élan de solidarité dont il était entouré, suite à sa détention pour « transfert illégal d’argent » et « intelligence avec un pays étranger ». Sur fonds de déclarations et actions condamnant la gestion par l’Etat du dossier du trafic de drogue, le militant rifain et président de l’Association du Rif des droits de l’homme reprend du service. « Je reste fidèle à la voie que j’ai choisie, celle de combattre la prévarication et de défendre les droits de l’Homme », nous dit-il. Entretien. Que devient l’Association du Rif des droits de l’Homme que vous présidiez avant votre incarcération ? Avec mes camarades au sein de cette structure, nous avons procédé au renouvellement des structures de l’Association. Nous avons entamé depuis deux semaines la mise en place d’un plan d’action pour cette année, après avoir obtenu le récépissé final nous permettant de relancer nos activités. Nous tablons également sur la création prochaine d’un centre de soutien anti-corruption, sous la supervision de Transparency Maroc, dont nous serons l’un des partenaires. Ceci, en plus de la mise en place de programmes de formation, au profit des associations et des étudiants notamment, sur des thématiques se rapportant aux droits de l’Homme. Notre objectif est de soutenir la diffusion de la culture des droits de l’Homme dans une région qui connaît nombre de dépassements. Je suis décidé à continuer le combat de la dénonciation de ce que cache ce dossier, avec les preuves. Et ni la prison ni une autre mesure ne m’en dissuaderont. Le trafic de drogue est un fait. Ce qui est plus dangereux, c’est ce que relèvent des rapports établis tant au Maroc qu’ailleurs, sur ces connexions qui commencent à naître entre les barons de drogue, les mafias du trafic d’armes et les groupes terroristes. La région est également de plus en plus inondée par les drogues dures que transportent les mêmes go-fast qui exportent le cannabis en Europe. Tout cela n’empêche pas bien des trafiquants d’investir l’espace politique de notre pays et nous entendons dire que de nombreux barons ont l’intention de se présenter aux prochaines élections. Or, comment peut-on concevoir une construction démocratique et la préservation de la sécurité nationale tout en fermant l’oeil sur cette situation ? La lutte contre le trafic de drogue bat cependant son plein au Maroc. Quel regard portez-vous sur cela ? Au Maroc et même en Europe, la lutte contre le trafic de drogue est futile car il existe des moyens de détourner la vigilance des autorités. La preuve la plus concrète est la récente évaluation de la politique internationale de lutte contre le trafic de drogues. Les rédacteurs du rapport ont appelé à légaliser la culture et l’exploitation du cannabis car les politiques de lutte sont un échec et ont engendré des conséquences graves sur les communautés à travers le monde. Parmi ceux qui ont contribué à la rédaction du rapport, nous retrouvons Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies, Javier Solana, Cesar Gaviria, ancien président de Colombie et bien d’autres personnalités de haut rang. Les nouveaux projets économiques qu’accueille le Nord, comme ceux de Marchica, peuvent-ils changer la dépendance des populations locales à la culture et au trafic de drogue ? La région est connue pour être la capitale du trafic de drogue vers l’Europe, avec des centaines d’embarcations et de go-fast qui sillonnent la Méditerranée, sous le regard passif de nos autorités. D’ailleurs, en tant que président de l’association, j’avais adressé une lettre ouverte au roi, le 9 octobre 2006, l’informant sur une affaire des services de sécurité qui avaient fermé les yeux sur un gros trafic de drogue en contrepartie d’une somme d’argent. C’est après la publication de cette lettre dans la presse qu’une grande compagne a été lancée pour transformer la région et en faire un site touristique. Mais le trafic ne mourra point tant qu’un vrai plan stratégique n’est pas élaboré. Avec des acteurs associatifs, des militants des droits de l’Homme et des universitaires, nous avons rédigé un document afin d’ouvrir un débat public sur le thème. Notre militantisme dans ce type d’actions n’est pas infondé. Nous nous basons sur la convention sur la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, précisément l’article 14. Il y a aussi l’article 24 de la Déclaration des Nations Unies concernant les droits des peuples autochtones, qui stipule que «les peuples autochtones ont le droit d’exercer leur médecine traditionnelle et à conserver leurs pratiques médicales, et en particulier la conservation des plantes médicinale ». Après mon arrestation, certains politiciens ont eux aussi soulevé cette question de légalisation de la culture du cannabis tels que Fouad Ali El Himma, qui avait appelé à Ketama à un débat national et Hamid Chabat, qui a fait de même. Mais les politiciens en général, n’ont pas encore pris le temps nécessaire pour étudier le sujet plus profondément. Et c’est ce que je compte faire avec mes collègues : vulgariser le sujet auprès des leaders d’opinion et les décideurs politiques. La reconnaissance de l’amazighe en tant que langue officielle est conditionnée par des lois réglementaires qui restent à adopter. Il s’agit d’un acquis considérable que le mouvement amazigh en général salue, après des décennies de lutte et de militantisme. Mais les derniers combats sur les réformes constitutionnelles ont montré qu’il existe des lobbies puissants contre l’amazighité. Pour sa part, le mouvement amazigh continuera d’exercer une pression en vue de faire adopter ces lois réglementaires afin d’officialiser la langue amazighe et l’intégrer aux différents niveaux de notre vie politique et dans les différents secteurs, de la santé à la Jutsice en passant par les médias et l’éducation. A cela s’ajoute la libération des défenseurs de l’amazighité comme Hamid Attouch et Mustapha Ousaya.
« Au Maroc et même en Europe, la lutte contre le trafic de drogue est futile car il existe des moyens de détourner la vigilance des autorités ».
Qu’en est-il de vos positions sur la culture et le trafic du cannabis, votre autre champs de bataille ?
Plus que jamais, il est temps de soulever le débat sur la légalisation du cannabis. Où est ce que cela bloque ?
Autre front que vous attaquez, la défense de l’amazighité. Que pensez-vous de la récente officialisation de cette langue ?