Source: Le Monde
10.08.2010
La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a
annoncé une concertation sur les CIS. Vous
affirmez l’hostilité du gouvernement à cet outil
de réduction des risques. Qui décide ?
Mme Bachelot a fait état de son intérêt pour un
certain nombre de dispositifs, et Brice Hortefeux
d’une opinion différente. Au total, 21 ministres
et secrétaires d’Etat sont impliqués dans la
lutte contre la drogue et la toxicomanie, il est
normal que les avis soient divers. Dans ce
domaine, la décision du gouvernement est
collective, préparée par la Mildt, et arbitrée
par le premier ministre.
Personne ne peut cependant reprocher à Mme
Bachelot, en tant que ministre de la santé, de
réfléchir à tous les moyens susceptibles
d’améliorer la prise en charge des toxicomanes et
de réduire les dommages. Elle est dans son rôle
quand elle demande une étude à l’Inserm, ou dit
vouloir continuer la concertation.
Mais en l’état actuel des connaissances, le
gouvernement considère que les salles d’injection
ne répondent pas vraiment à la demande d’un point
de vue sanitaire. Elles semblent par ailleurs
très coûteuses. En outre, elles amènent à penser
que l’usage de drogue peut être admissible sous
certaines conditions.
Quel est votre point de vue sur l’expertise
collective de l’Inserm, qui démontre divers
atouts de ces salles ?
L’impact des salles d’injection sur la réduction
des infections (VIH, hépatites) n’y est pas
démontré, et le fait qu’elles pourraient
faciliter l’accès aux soins des toxicomanes,
voire leur sortie de la dépendance, n’en est
qu’au stade de l’hypothèse.
Cela paraît donc peu
efficace et peu conforme à la politique menée
jusque-là par le gouvernement. Je m’étonne en
outre, alors que l’expertise consiste en une
revue de littérature et qu’elle aborde la
question de l’acceptabilité des salles
d’injection, que n’y figurent pas les résultats
de l’enquête Eropp publiée en juin qui relève que
73 % des Français y sont opposés.
Il faut aussi tenir compte du contexte français
par rapport aux pays comme la Suisse ou
l’Allemagne, où des salles ont été créées. En
France, la consommation de drogue a globalement
baissé, celle d’héroïne y est moins importante
qu’ailleurs en Europe. Le nombre d’overdoses y
est aussi l’un des plus faibles, grâce aux
traitements de substitution et à l’échange de
seringues.
Nous comptons d’ailleurs développer
davantage ce s actions avec les pharmaciens, et
améliorer le dépistage et la prise en charge des
hépatites chez les usagers de drogues.
En quoi ces salles seraient-elles un outil moins adapté ?
Il me semble qu’elles répondent moins à un
objectif sanitaire qu’à un objectif social de
lutte contre la marginalisation. C’est, selon
nous, discutable sur le plan philosophique,
puisque cela vise à accompagner, et non in fine à
rompre avec la dépendance, alors que la France
dispose d’un dispositif de soins performant. En
outre, cacher dans des locaux des usagers pour
assurer la tranquillité publique me paraît
moralement indéfendable.
Le gouvernement est-il hostile non seulement à
l’ouverture, mais aussi à l’expérimentation,
voire à la concertation ?
Expérimenter reviendrait à mettre en place,
puisqu’il faudrait modifier la loi. Nous y sommes
opposés. La concertation est une bonne chose. Son
sujet ne doit pas être la mise en place de salles
de manière isolée, mais la poursuite de la
réflexion sur les outils de réduction des risques.
Huit grandes villes ont engagé une réflexion sur
l’opportunité d’ouvrir ces centres. Quelle est
leur marge de manoeuvre ?
La lutte contre la drogue et la toxicomanie est
une politique de la compétence de l’Etat. Il faut
une cohérence qui évite la mise en place d’autant
de politiques qu’il y a de communes en France.