Source: Drogues Info Service
16 juillet 2010
Avertissement : ce que nous allons dire dans cet article reste éminemment subjectif. Le point de départ en est des appels que nous avons reçus à Drogues Info Service. L’anonymat et la confidentialité des appels que nous recevons ne nous permet pas de vérifier ce qui nous est dit. Cependant nul doute que les appelants paraissaient sincères… et terriblement embêtés voire angoissés par ce qui leur est arrivé.
Ces derniers temps nous avons reçu quelques appels d’usagers de drogues se plaignant de s’être vu fournir par leur dealer, à leur insu, de l’héroïne. Par exemple un usager de cannabis s’est vu proposé une résine de cannabis vantée comme plus puissante, appelée “Pakistanaise”, sans qu’il lui soit précisé qu’elle contenait de l’héroïne. Une autre personne voulant acheter de la MDMA dit s’être retrouvée avec de la “rabla” (de l’héroïne encore une fois) sans, bien entendu, que le dealer l’en informe. Cette personne s’est retrouvée très malade et a eu très peur des conséquences.
Ne soyons pas naïfs : qu’un dealer vende un produit pour un autre n’est pas nouveau. Nous ne prétendons pas non plus révéler une nouvelle tendance massive. Il s’agit très probablement d’épiphénomènes, d’agissements limités. Nous ne souhaitons pas non plus apporter du crédit à la légende urbaine qui circule depuis des années sur le cannabis coupé à l’héroïne.
Cependant il nous paraît indéniable, ces appels en témoignent, qu’il y a bien des dealers qui fournissent de l’héroïne à l’insu de leurs clients. Et il est probable que la période actuelle soit favorable à cette pratique. En effet, depuis quelques années, la disponibilité de l’héroïne sur le marché français et européen a augmenté. Les saisies d’héroïne ont augmenté et son prix a largement baissé (autour de 40€ le gramme en 2009 contre 70€ il y a 10 ans), comme nous le rappelle “Drogues, chiffres clés” publié par l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT). On a aussi retrouvé récemment en circulation des échantillons d’héroïne beaucoup plus purs que d’habitude. Ces constats reflètent probablement que les dealers ont plus de stock à écouler et qu’ils touchent l’héroïne à un prix de moins en moins élevé.
Les ingrédients sont donc réunis pour que les dealers soient incités à diffuser plus largement l’héroïne. Cela peut se faire par plusieurs voies. L’une d’entre elle est par exemple un “marketing” de l’héroïne tentant d’en banaliser l’image et de rassurer le client. Déjà en août 2008, l’OFDT publiait un communiqué de presse s’inquiétant de l’augmentation récente de la consommation d’héroïne. Il soulignait alors une banalisation de son image dans le milieu festif techno.
Mais ce que mettent en évidence les quelques appels reçus à Drogues Info Service, c’est qu’il y a aussi des dealers qui diffusent l’héroïne autrement. Cherchent-ils simplement à écouler leur stock ? Est-ce que l’héroïne est devenue suffisamment bon marché pour devenir une sorte de super produit de coupage permettant la transformation d’autres drogues en produits plus puissants (ce qui renforcerait le marketing de ces produits) ? Ont-ils l’espoir de rendre dépendants leur clients à leur insu ? Est-ce une tentative pour faire tomber les résistances des usagers d’autres drogues à l’utilisation de l’héroïne ?
Nous n’avons évidemment pas les réponses mais nous tenons néanmoins à souligner qu’ils font courir à leurs “clients” des risques que ces derniers ignorent. Les usagers d’autres drogues doivent, de leur côté, prendre conscience qu’actuellement ils courent peut-être le risque supplémentaire de se retrouver avec de l’héroïne sans l’avoir demandé.
Pour connaître les risques généraux de l’héroïne nous vous renvoyons vers la fiche héroïne de notre “dico des drogues”. Nous rappellerons ici que les symptômes d’une première prise d’héroïne sont notamment les nausées, les vomissements, la constipation, des démangeaisons, un assèchement des muqueuses (bouche, nez) et un ralentissement du rythme cardiaque.
Prendre “une fois” de l’héroïne ne rend pas dépendant et celle-ci s’élimine en quelques heures de l’organisme. Prendre cette drogue de manière répété dans un temps rapproché rend cependant facilement dépendant, même si on ne le souhaite pas.
Il existe avec cette drogue un risque d’overdose. Ce risque est plus grand chez une personne qui n’a jamais pris d’héroïne (ou qui n’en n’a pas pris depuis longtemps). Ce risque est plus grand si on se retrouve avec un lot d’héroïne fortement dosé. Les modes d’usage par sniff ou par inhalation qui ont le plus de chance d’être utilisés sont en revanche moins propices à l’overdose que ne l’est l’injection. Mais ce risque n’est de toute façon pas nul quel que soit le mode d’usage.
Pour conclure nous recommandons évidemment aux usagers de drogues d’être particulièrement attentifs en ce moment à ce qu’ils prennent et donc à ce qu’ils achètent auprès de leurs dealers. Soyez vigilants aussi sur vos lieux de vacances et dès que vous avez affaire à un dealer que vous ne connaissez pas ou peu. Le fait d’avoir une relation de confiance avec son dealer est un “plus” mais n’est pas une garantie totale non plus. Comptez d’abord sur vous-même pour évaluer ce qu’on vous vend et refusez si possible les lots “douteux”. Drogues Info Service se tient à votre disposition pour répondre à vos questions, soit par le truchement de la ligne téléphonique (0 800 23 13 13, 7j/7 de 8h à 2h, anonyme et confidentiel), soit par exemple par l’entremise de notre rubrique “Vos Questions/nos réponses”.
Nous ouvrons également un forum sur les “risques du deal” où les internautes peuvent échanger leurs expériences en la matière (mais pas leurs “plans” deal !). Enfin, ceux qui voudraient juste témoigner de ce qui leur est arrivé peuvent toujours utiliser notre rubrique “Témoignages”