Source: Le Vif Express
29.10.2012
Par Jacques Besnard
Démunis depuis la fermeture des coffee shops néerlandais et le trafic illégal, 280 fumeurs de cannabis d’Anvers produisent une herbe bio et moins chère.
A première vue, l’appartement de Barbara (1) situé dans un quartier paisible d’Anvers, paraît tout à fait classique : un salon cosy où son mari et sa fille se chamaillent devant la télé peu après l’heure du goûter, une cuisine dans laquelle trône moult épices, un petit jardin pour y faire pousser quelques fleurs. Mais il abrite pourtant un placard plein de surprises. « Mes 10 plants de cannabis se trouvent ici. Avant, ils étaient dehors mais avec le froid, j’ai été contrainte de les mettre à l’abri. » Barbara est depuis peu l’un des dix-sept cultivateurs du Cannabis Social Club d’Anvers ou association Trekt uw plant (TUP).
Inspiré par un projet espagnol et lancé en 2006, le TUP cultive collectivement des plants de cannabis réservés exclusivement à ses membres. Dans des sous-sols parfois, dans des placards souvent, chez des particuliers, toujours. Moyennant une cotisation, chaque adhérent reçoit vingt grammes de cannabis quatre à cinq fois par an.
« On profite du flou juridique belge en la matière », avoue Joep Oomen, coordinateur du club. Selon une directive ministérielle de 2005, la possession de cannabis reste, en effet, toujours illégale chez nous. Un contrôle avec une quantité inférieure à 3 grammes ou un plant de cannabis, par la police ne débouchera que sur un procès-verbal simplifié. Dans les faits, aucune poursuite.
Pour rester dans les clous, l’ASBL use donc d’un petit subterfuge. « En plus du sachet de 20 grammes contenant la drogue, on en fournit un autre mais avec les feuilles et autres résidus du plant pour être tranquille. Au final, le client n’a qu’un plant en sa possession », sourit-il. Depuis le mois de mai dernier, le TUP connaît un succès grandissant.
Une alternative aux coffee shops
Barbara, la quarantaine, fume des joints depuis ses 17 ans. Alors, lorsque les autorités néerlandaises ont décidé d’interdire l’accès des coffee shops aux étrangers dans le sud du pays, via la mise en place de wietpass (une carte cannabis), elle décide vite de se tourner vers le Cannabis Social Club. « Vous me voyez aller acheter de la drogue dans la rue ? questionne-t-elle. Ici, je sais ce que je fume. Tout est naturel. Il n’y a pas de verre pilé ou de produits chimiques. »
Le cannabis produit serait donc de meilleure qualité, moins fort et surtout moins cher : environ 6 euros le gramme. Bien moins onéreux que « les 14 euros » que l’on peut débourser dans les coffee shops bataves ou au coin de la rue, dixit Denis (1), autre membre du groupe.
Environ 130 membres sur les 280 que compte aujourd’hui le club ont grossi les rangs de l’ASBL depuis le mois de mai. En France, 150 organisations ont vu le jour cette année. « J’ai reçu des appels de gens désespérés, relate ainsi Joep Oomen. Pour certains malades, notamment cancéreux, le cannabis soulage la douleur. »
En principe, tous les amateurs de fumette peuvent faire partie du club. Celui d’Anvers compte des étudiants, des ouvriers, des entrepreneurs, des avocats et même des pensionnés. « Un de nos membres a 80 ans. » Les mineurs ne peuvent pas, bien sûr, rejoindre les rangs du TUP. De même, par précaution, chaque futur adhérent doit rencontrer la direction afin de juger de son intégrité, risque de trafic oblige… Il s’agit aussi et surtout de détecter les possibles problèmes du fumeur avec le produit. Car comme le rappelle lui-même Joep pourtant consommateur depuis 37 ans, « tout le monde ne réagit pas de la même façon au cannabis mais c’est le cas aussi avec l’alcool ».
(1) Prénom d’emprunt.