BULLETIN ENCOD SUR LES POLITIQUES DES DROGUES EN EUROPE
NR. 50 AVRIL 2009
LA FIN DE LA POLITIQUE UNIVERSELLE DES DROGUES
Le résultat le plus important de la réunion de la Commission des Stupéfiants (CND) de cette année ( du 11 au 19 mars à Vienne) est que la prétention d’arriver à un consensus sur une politique unique des drogues a été anéantie. A la fin de la “Rencontre au Sommet” de cette CND ( composée de chefs d’états et des ministres) les profondes divergences entre les pays qui ont signé les traités concernant les drogues étaient évidentes.
Après quelques mois d’efforts vains pour arriver à un accord sur le thème de la Réduction des Risques (RR) lors de la préparation de cette CND, on arriva à un point culminant dans lequel la majorité des pays réussirent à se mettre d’accord sur le terme de Réduction des Risques de la Déclaration Politique (DP), le document final de cette CND. En revanche, la DP emploie le terme absurde de ” service de soutien en relation”. Du fait que l’actuelle situation soit assez sérieuse a résulté que la décision de permettre au gouvernement de présenter une déclaration lors de la session de clôture du 12 mars, dans laquelle il a été plus clair que ces pays interprètent le terme de ” service de soutien en relation” comme ” Réduction des Risques”, de la même manière que durant de nombreuses années.
Cela déclencha de nombreuses déclarations de la part de la Russie, du Japon, du Pakistan et d’autres qui n’acceptèrent pas ce décalage par rapport à ce qu’ils considéraient comme un consensus. La position des Etats Unis, contrairement à d’autres observateurs, m’a paru raisonnable, critique, ne rejetant pas la position allemande.
La rupture dans ce “système de contrôle” des drogues de l’ONU n’est pas seulement provoquée par le terme de Réduction des Risques. Les Droits de l’Homme peuvent générer des discussions encore plus compliquées. Durant la dernière semaine de la CND, il y eût beaucoup d’indignations quand Singapour se défendit officiellement contre les critiques sur la violation des Droits de l’Homme, et confirma sa position.
Singapour demande le droit de pratiquer des châtiments corporels et même de condamner à la peine de mort pour des délits concernant les drogues. De nombreuses organisations se sont opposées à cela parce que, en accord avec l’ONU, la peine de mort est disproportionnée par rapport au crime.
Je crois qu’il vaut mieux signaler que l’idée d’une politique universelle des drogues est une illusion plutôt que de débattre de la peine de mort. Les progrès dans la politique des drogues que nous pensons nécessaires ( comme la régulation du cannabis au Pays-Bas) ne devraient pas dépendre de la réussite d’un accord préalable sur un thème dominé par des croyances et des convictions culturelles et religieuses profondément diverses.
Certains pays pensent que la vraie guerre aux drogues n’est pas encore commencée, d’autres pays veulent la terminer. Les pays engagés dans la Réduction des Risques veulent continuer ce chemin, mais ils se retrouvent bloqués par les pays qui préfèrent voir mourir les consommateurs de drogues, ou plus simplement qui les tuent. Cela démontre qu’il est impossible de maintenir une politique universelle des drogues, et nous fournit un fort argument pour en terminer avec la prohibition universelle des drogues.
Avant de commencer la CND il n’était toujours pas précisé s’il y aurait une autre occasion de réunion des ONG avec Antonio Maria Costa, le Directeur Exécutif du Bureau des Drogues et du Crime des Nations-Unies (ONUDD). Lors du deuxième jour de la Rencontre au Sommet, le 12 mars 2009, il a été annoncé une réunion de ce type comme un “Dialogue Ouvert”.
Lors de cette réunion, j’ai rappelé à Costa son intention de publier un rapport sur la disponibilité du cannabis et sa consommation aux Pays-Bas, lui demandant ce qu’il avait fait de ce rapport. Sa réponse fût enregistrée par la Hungarian Civil Liberties Union, HCLU, cette fois de loin parce que soudain de nouvelles règles entraient en vigueur.
Costa dit que son rapport avait été “invalidé”. Je ne l’ai pas suffisamment bien écouté à ce moment, parce que j’aurai dû lui répondre qu’il y avait alors une divergence d’opinion avec le gouvernement hollandais. Ce que j’ai dit c’est que nous avions besoin d’un rapport documenté avec sources et références. Costa a simplement répété qu’il avait répondu sur son blog ainsi que lors de la conférence de la veille, qui n’était ouverte qu’à la presse. J’ai répondu qu’il ne faisait pas son travail correctement. A ce moment, le modérateur a continué avec une autre question.
L’année de réflexion qui devait en principe se terminer lors de cette réunion de la CND, ne fût évidemment pas utilisée de la manière qu’elle aurait dû. Mike Trace, devant l’ONUDD , et maintenant personnage central du Consortium International sur la Politique des Drogues (IDCP), l’avait prédit. Dans cet article pour The Guardian, il avait écrit ” nous sommes sur le point de voir la communauté internationale prendre le chemin de la meilleure résistance politique et diplomatique. Rien ne sera fait pour aider les millions de personnes dans le monde dont la vie a été détruite par les marchés et les consommations de drogues. Et le plus déprimant dans tout ça c’est qu’on peut tous réserver nos places pour 2019 et de nouveau jouer la même comédie.”
La CND de 2009 aurait dû être le commencement d’une réelle année de réflexion. Comme l’avait manifesté ENCOD à la réunion: il faudrait un moratoire de la politique des drogues, au moins jusqu’à la CND de 2010. Il a été prouvé que prétendre qu’il existe un consensus sur la politique des drogues est faux. Maintenant nous devons nous défaire de l’actuel système universel. Je suis optimiste mais aussi réaliste. Je suis convaincu que nous sommes en train de gagner, que nos adversaires sont sur la défensive. Pendant longtemps, notre plus grand défi a été d’inscrire le thème des alternatives dans l’agenda. Actuellement, c’est en train de se passer, en Amérique Latine, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis et dans beaucoup d’autres endroits.
Je crois que le dernier coup à la prohibition sera donné par les Etats-Unis. Pas par l’Europe. C’est dommage, mais nous devrons l’accepter. Il y a une forte tendance au changement dans l’opinion publique en ce qui concerne la politique des drogues dans plusieurs pays, et surtout aux Etats-Unis. Ces dernières semaines, le meilleur a été l’article et l’interview en video de l’économiste de Harvard Jeffrey Miron sur CNN. Quand les Etats-Unis arrêteront la prohibition des drogues beaucoup de pays suivront rapidement et avec plaisir, dit Miron.
Notre tâche est tout simplement de maintenir la pression sur les politiciens et continuer de faire ce que nous faisons depuis des années. Il y a un flux ascendant qui ne peut plus s’arrêter.
Je voudrais finir avec un message qu’a envoyé Chris Conrad à ses amis le 12 mars:
Morales mastique une feuille de coca lors d’une conférence anti-drogue de l’ONU:
“J’étais tellement fier de pouvoir être dans la salle hier quand le président bolivien Morales défia la Convention des Stupéfiants de l’ONU et mastiqua une feuille de coca devant la conférence de l’ONU . Des applaudissements saluèrent son acte quand il dit à l’ONU que la coca fait fondamentalement partie de la culture de Bolivie ; que l’on peut prévenir le trafic, dit-il, mais nous ne pouvons pas éliminer la feuille de coca et son usage traditionnel. J’espère vivre le jour où quelqu’un fera la même chose avec un joint… J’ai réellement senti qu’il se passé quelque chose d’historique; le démantèlement de la guerre aux drogues. Les manifestants dehors, Morales à l’intérieur et la confusion de ce que sera la politique des Etats-Unis, ensuite beaucoup de déclarations qui soulignent la nécessité de revoir rapidement les politiques et ne pas continuer encore dix ans. Viva!” (Chris Conrad )
Par Fredrick Polak
(L’accréditation de Fredrick Polak à la réunion de l’ONU a été facilitée par le Réseau Légal de VIH/SIDA du Canada)