BULLETIN ENCOD SUR LES POLITIQUES DE DROGUES EN EUROPE
NR. 54 AOÛT 2009
LA VÉRITÉ DE LA DÉPÉNALISATION
Le Portugal est tout simplement devenu un pays plus humain et plus juste.
La situation au Portugal s’est développée très nettement depuis l’année 2000, quand la loi 30 a été approuvée, dépénalisant l’utilisation des drogues. Evidemment ,la dépénalisation est loin d’être acceptable comme règlement complet du phénomène global des drogues , puisque des drogues continuent à être distribuées par les trafiquants qui gonflent le prix, imposent des méthodes criminelles de vente et n’ont aucun souci de la qualité du produit ou de la sécurité des consommateurs.
Désormais l’Etat ne considère pas l’utilisation de drogue comme un crime, mais comme une violation simple à laquelle on répond par une sanction administrative. Les gens arrêtés avec une certaine quantité de drogue qui répond à leurs besoins personnels sont considérés soit comme consommateur sporadique et sanctionnés par une amende de plusieurs centaines d’euros, soit comme consommateur régulier et sont dirigés vers la Commission pour la dissuasion de l’utilisation de drogue, constitué par un juge, un psychologue et un assistant social. Par ces démarches, les consommateurs de drogue sont protégés de la brutalité et de la toute-puissance de la police, et sont placés sous la responsabilité de spécialistes sociaux qui les dirigent vers les services de santé spécialisés appelés CAT (Centre d’Assistance aux Toxicomanes).
Au lieu d’être considéré comme un criminel cette personne est perçue comme un patient. La vérité est que cette pratique mène le consommateur problématique de drogue vers les Services Sanitaires et Sociaux.
Dès lors qu’ils sentent que quelqu’un se préoccupe de leur sort, les soutien et les accompagne dans la reconstruction de leur vie, les consommateurs commencent à réagir. En premier lieu ils font plus attention à leur propre santé et ensuite ils se rendent compte qu’ils font partie de la société dans son ensemble.Ils réaliseront que de cette façon, la société n’est plus l’ennemi mais quelque chose dont ils font partie et dans laquelle ils peuvent être gagnant quand ils suivent certaines règles.
Évidemment le gouvernement portugais a installé les mécanismes qui sont censés compléter la loi, qui seule n’aurait pas eu de grands résultats. Par conséquent dans toutes les régions, provinces et villes ayant des compétences administratives, un CAT (centre d’aide aux toxicomanes) a été installé, constitué de médecins, de psychiatres, de psychologues, d’infirmières et d’assistants sociaux.
Le personnel de ces services sont psychologiquement et socialement formés pour traiter tous les cas, particulièrement les plus difficiles. Ils ont appris qu’en traitant le consommateur de drogue comme un être humain qui mérite le respect, produit des résultats presque immédiats et étonnants. Quelqu’un qui a été abîmé, connecté à une vie de violence et de crime, devient pourtant soudainement une personne respectée et respectueuse, polie, et même civilisée !
C’est une manière très importante de limiter l’escalade de la violence et d’amorcer la socialisation. Quelqu’un qui n’a rien et ne voit que le mépris de la société ,transforme donc la frustration et la douleur en vengeance sociale, il a ainsi l’occasion de se rendre compte de l’importance d’obtenir le respect social et ne se permettra pas le luxe de le perdre à nouveau.
Sous un régime de prohibition, le système choisit de critiquer, stigmatiser et criminaliser les personnes qui utilisent les drogues qui sont considérées illicites (la seule drogue admise, l’alcool, est produite en Europe, Amérique du Nord etc.).
Mais les êtres humains ont toujours employé des drogues. Des preuves scientifiques récentes démontrent l’utilisation des drogues dans la période glaciaire. Pendant que la vie devient plus simple pour les gens, la consommation de drogue continuera probablement à augmenter. Parmi les personnes qui emploient des drogues on rencontre les plus grands talents dans l’art et l’humanité.
La prohibition n’a jamais empêché et n’empêchera jamais cela. À la place elle a créé des martyres à l’égal de beaucoup d’autres persécutions historiques. Ruinez les vies des consommateurs de drogue, arrêtez-les, torturez-les, infectez-les avec toutes sortes de maladies, tuez-les tous et l’état s’en lavera les mains : c’est de leur faute!
Compte tenu que la relation entre l’offre et la demande a été minutieusement étudiée par les trafiquants et les vautours de l’économie, tout permet de conclure que c’est seulement parce qu’elles sont interdites que les drogues peuvent être un commerce si lucratif. Ainsi, pendant qu’elles sont interdites, ce qui nous manque maintenant c’est de savoir pourquoi au XXIème siècle les gens sont tellement naïfs qu’ils croient que les drogues sont illégales pour une affaire de santé publique.
La pire des dictatures est celle dans laquelle nous ne nous rendons pas compte que nous sommes manipulés.
Les M. Costa, les Nations Unies et tous les gouvernements et fonctionnaires qui soutiennent la prohibition sont-ils les Hitler, Staline et Caligula de notre époque ? Ou bien souffrent-ils simplement d’une certaine insuffisance intellectuelle inconnue ? Nous ne connaissons pas la réponse, mais le résultat est identique : des millions d’êtres humains continuent à être condamnés à mort et à la souffrance pour cette raison ! La vérité est claire : l’exemple du Portugal prouve que criminaliser est un mensonge !
Maintenant, la question est à qui profite la prohibition ? Qui a le pouvoir de tuer des millions de gens dans le monde ?
L’Etat prétend que les drogues sont mauvaises et devraient donc être évitées, mais les gens désirent toujours les altérations de la conscience que les drogues offrent et ils ne cesseront pas leur consommation. Le fait est que personne ne désire sacrifier une vie et une responsabilité familiale et de travail uniquement pour apprécier une sensation. C’est là que l’état échoue parce qu’il transforme une consommation responsable en situation désastreuse de crime, de maladie, d’emprisonnement, de douleur et de mort.
Mais le mensonge commence à rendre l’âme, tandis que finalement tous les mensonges s’avèrent être des duperies.
La société commence à réagir et commence à considérer et à exiger des mesures opposées aux mesures habituelles. Ces mesures cherchent les changements les plus minimes, toujours dans les mêmes limites. Les états optent pour des changements modestes, mais définitifs, comme dans le cas du Portugal et de sa dépénalisation de la consommation de drogue. Mais également en Suisse, en Allemagne et ailleurs, la distribution contrôlée de l’héroïne aide le rétablissement de beaucoup de gens qui vivent dans les pires conditions, survivant seulement grâce à la petite criminalité. Qu’ils obtiennent désormais leurs drogues au travers d’un système de santé d’état, permet la récupération de leur santé, de leur vie familiale. Ils commencent à travailler et à payer de impôts, ils deviennent des citoyens utiles dans ce que nous appelons la société!
En raison du succès de la dépénalisation de l’utilisation de drogue, qui a été mise en application sans déclencher d’alarme sociale (lire le rapport de l’institut de Cato
), le Portugal prépare actuellement un pas supplémentaire. Le Parlement étudie une propositon pour la légalisation du cannabis, suivant l’initiative d’un petit parti appelé le “Bloc de gauche” (Bloco de Esquerda), qui s’est récemment développé et (selon les derniers scrutins) peut devenir une force politique significative dans l’avenir.
La publication de la loi sur le cannabis s’est faite avec la collaboration d’Encod, grâce aux contacts réguliers avec le bloc jusqu’à aujourd’hui. Le texte de la loi peut toujours être amélioré, mais à mon avis personnel il a été très bien préparé et fournit même des manières d’empêcher l’abus et contribue au fonctionnement global de l’état.
Car comme l’indique les nouvelles de dernière minute , le Parti Socialiste (actuellement dans le gouvernement) n’obtiendra pas une majorité absolue après les élections parlementaires en septembre prochain, ainsi il invitera le Bloc de Gauche à participer au gouvernement ! Ce serait la meilleure occasion jusque là pour la légalisation complète du cannabis, y compris pour la production, la distribution et la consommation.
La vérité est que quand les nouvelles de la dépénalisation de l’utilisation de drogue au Portugal sont sorties, les prophètes principalement nord-américains ont annoncé le chaos, prévoyant que les plages portugaises seraient remplies de misère et de trafiquants de drogue.
Mais rien de cela ne s’est produit, l’état de droit est fortement en place, les plages sont propres et belles. Le Portugal est simplement devenu un pays plus humain et plus juste. Toutes les maladies liées à la consommation de drogue ont été considérablement réduites.
Si c’est la preuve réelle et définitive que la légalisation des drogues fonctionne, alors qui est derrière la criminalisation ?
Par : Jorge Roque