BULLETIN ENCOD SUR LES POLITIQUES DES DROGUES EN EUROPE
NR. 78 AOÛT 2011
POINT DE VUE D’UN APPARENT PROFANE
J’ai toujours pensé que j’étais relativement bien informé sur les tenants et aboutissants des politiques au niveau national et international concernant le cannabis après trente ans d’expériences personnelles de l’usage récréatif et par la suite de l’usage médicinal de cette plante.
Quelle naïveté! Quand j’ai adhéré à TUP (Treckt Uw Plant), un Club Social du Cannabis de Belgique et quand j’ai appris ce qu’était ENCOD, dont j’ai eu la chance de rejoindre le Comité Exécutif, j’ai dû admettre que j’avais été vraiment naïf et complètement ignorant de ce qui se passe en réalité.
Mais je me suis aussi rendu compte que c’était aussi le cas de millions de citoyens dans le monde.
Arrivé récemment dans cette organisation, j’aimerais aborder quelques points quelque peu inattendus dans le bulletin mensuel.
Tout d’abord je voulais exprimer mon respect et ma profonde admiration pour les milliers ou les dizaines de milliers de personnes et d’organisations qui ont travaillé de tout coeur pendant des années pour défendre leurs propres intérêts et, plus encore, leurs droits et les droits de leurs concitoyens. Chacun d’entre eux à leur manière.
Nos intérêts communs sont en relation avec la notion de “drogues”,et en particulier avec les victimes de “la guerre aux drogues”; ceux qui sont incarcérés, ceux qui survivent avec le VIH/SIDA, et ceux qui sont criminalisés par la prohibition des drogues…
Le mois dernier, submergé par les rapports et les archives, j’essayais d’approfondir ma compréhension de ce qui se passe dans le domaine de la politique des drogues officielle, et pas seulement en Europe mais aussi au niveau mondial.
Dans plusieurs rapports concernant les drogues, la “santé publique” apparaît constamment comme le thème central. Les partisans de la prohibition ont l’habitude de justifier leur position en prétendant que les dommages pour la “santé publique” exploseraient si on lâchait la bride. L’expérience, cependant, nous a montré que l’illégalité des drogues est un facteur nocif pour la santé de tous et par conséquent pour la “santé publique”. De plus, la prohibition fait obstacle à des solutions évidentes aux problèmes de “santé publique”.
Beaucoup de gens et d’organisations ont communiqué et débattu de la stratégie globale pour convaincre les autorités nationales et internationales de prêter attention à la légalisation et d’arrêter la criminalisation, la stigmatisation et la marginalisation. En d’autres mots, d’arrêter la guerre aux drogues.
Ces gens essaient de proposer une politique des drogues juste et efficace favorisant la prévention, l’information, la transparence et le contrôle (pour ne mentionner que quelques caractéristiques). Cet effort civil a été maintenu pendant de nombreuses années. Une fois encore, tout mon respect pour cela.
Pour convaincre les politiciens de la nécessité d’une politique des drogues différente, on peut prétendre qu’il suffit d’analyser et de résumer tous les communiqués de presse, les déclarations et les rapports des derniers mois en un texte clair et présentable qui les mène à la conclusion évidente qu’il est urgent de proposer un changement de politiques. Les blogs, les forums sur Internet, les réseaux sociaux, tout nous montre que l’opinion du public est favorable.
Mais dans ce cas nous ne ferions que nous répéter.
Ce que j’ai découvert lors de ce mois d’étude de la situation actuelle c’est que pendant 20 ans des personnalités de notre société ont fait des déclarations, y compris télévisées, en signalant les dangers de la poursuite de la prohibition et de la guerre aux drogues. Ces déclarations peuvent être intéressantes pour les médias, mais elles n’ont jamais généré de changement.
Ce que je veux dire c’est que le dialogue doit exister. Chaque point de vue devrait être respecté, mais ces dialogues doivent provoquer une action, tôt ou tard.
A chaque fois que nous pensons avoir fait un pas vers une politique des drogues modernisée, à chaque fois que nous voyons la lumière à la sortie du tunnel, un ajustement de dernière minute oblige les nouvelles politiques à servir les intérêts de nature idéologique de certaines organisations ou de groupes d’intérêts, aboutissant généralement à une neutralisation de fait dans les changements d’attitude que nous espérions. Et souvent il faut de nouveau tout recommencer.
Je n’ai pas de solution à ces aléas, à part ma conviction que les actions ne doivent pas toutes s’arrêter quand il y a négociation.
Ces 20 années de négociations ont montré que la détermination et le courage des politiciens pour aller vers la fin de la guerre aux drogues sont et continueront d’être plus qu’insuffisants, il semble évident que la citoyenneté devrait prendre le contrôle de cette affaire.
Il est compréhensible mais aussi lamentable qu’il soit toujours difficile de mobiliser plus de consommateurs de cannabis dans différents pays européens pour qu’ils fondent des Cannabis Social Clubs (CSC) comme une façon de donner la parole aux citoyens concernés, montrant ainsi leur solution pour réguler et faire accepter la consommation de drogues dans la société.
De mon point de vue, ces associations organisées depuis la base de la société sont un véritable fer de lance pour obtenir la paix de “la guerre aux drogues”.
Par: Louis Everaerts.