Bonjour
Voici deux textes plutôt plaisants en ce début d’année – ce sont de toutes petites joies, me direz-vous, mais il y a des moments où même les toutes petites avancées comptent.
En pièce jointe, donc, une circulaire de MAM diffusée en réponse aux descentes de police du Gers et de l’Hérault, où elle demande aux flics d’essayer de ne pas tout confondre, la prévention et les perquisitions, par exemple.
Et ci-dessous la réaction d’un membre du Syndicat de la Magistrature à ces mêmes affaires.
Non que son argumentaire soit vraiment emballant, mais son texte débouche sur la nécessité de “tout reprendre à zéro” et de voir ces débordements comme “les symptômes d’une politique de prévention et de lutte contre les toxicomanies qui est arrivée à son terme” et ce n’est pas souvent que, sorti du petit milieu de la réduction des risques, on entende qui que ce soit s’interroger sur la loi de 70 …
Vivent les luttes de l’an Neuf, alors ?
Amitiés
FARIdCirculaire aux préfets dangers usage de stupéfiants
Fouilles dans les établissements scolaires,
images d’un échec
de la lutte contre la toxicomanie
De : “Gilles SAINATI”
Date : 30 décembre 2008 15:27:01
Selon une étude de l’OFDT (Office Français des Drogues et des Toxicomanies juillet 2007), en 2005, le France compterait 1,2 million de consommateurs réguliers de cannabis, ce parmi une population des 12-75 ans. C’est le produit illicite le plus précocement expérimenté. L’expérimentation se fait en moyenne vers 15 ans. Les garçons sont davantage concernés et commencent plus jeunes.
Le chiffre d’affaires annuel issu de la vente de cannabis est évalué, à partir des données déclaratives, à 832 millions d’euros. La fumette est donc un passe temps national tout comme l’anisette.
De nombreuse études ont démontré le caractère nocif de ces substances associées ou pas avec de l’alcool: troubles de la mémoire, de l’attention, dépendance, ce type de substances ne forment pas des hommes libres, et n’aident pas à l’émergence de citoyens critiques mais de consommateurs qui s’ils deviennent addictes passent leur temps à courir derrière leurs fournisseurs.
Cette pratique massive révèlent souvent un malaise non moins généralisé de la jeunesse exposée au tourment de l’adolescence et au difficultés d’une société qui rejette les jeunes dans un avenir incertain et subalterne. Toutefois, on le voit d’autres tranche d’ages sont concernés……..
C’est aussi phénomène de groupe, une « way of life», les anciens se réunissaient devant un ou plusieurs verres de pastis en écoutant Tino Rossi les autres; «babas cool», «travelers», mais aussi jeunes non labéllisables se passent quelques joints pour dissiper l’angoisse et ensemble, avoir le sentiment d’appartenir à un groupe solidaire,ils recherchent parfois dans cette communion la chaleur humaine qu’on leur refuse ailleurs.
De nombreuse études françaises, européennes, internationales, ont depuis longtemps étudié ce phénomène et ces pratiques. En France, il en résulté un réseau d’écoute et de soins performants axé tout à la fois sur le travail sur la parentalité et la prise en charge du toxicomane alliant la dédramatisation des faits en identifiant les causes toujours diverses du passage à l’acte.
La France avait choisi une voie moyenne entre la prévention et le soins de la toxicomanie et sa répression, car le fait d’user de substances interdites restent une infraction passible de l”emprisonnement. En effet, l’article L 3421-1 du code de la santé publique dispose « l’usage illicite des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende, la cession de stupéfiants étant elle punie de dix ans d’emprisonnement ( article 222-37 du code pénal).
La mise en place d’une obligation de soins ordonnée par un magistrat comme alternative aux poursuites pénales complète ce dispositif pénal, censé éradiquer ce fléau dans notre pays.
Les succès de cette politique sont pour le moins aléatoires, mais a toujours été promu par les partisans de tout répressif, pour qui la sanction et singulièrement la prison est par définition éducative. Cette surenchère répressive se manifeste aujourd’hui par une politique de fouille et de procédures coercitives dans les établissements scolaires. Cette nouvelle politique sur détermine son objet et ne manque de poser quelques questions juridiques et éthiques et politique de santé publique.
– A) la politique de la dramatisation..
Lâchage de chiens renifleurs dans les classes, procédure de contrôle devant les établissements scolaires c’est le spectacle que nous offre la gendarmerie et la justice en guise d’action de prévention des toxicomanies…Drôles de mesures qui en réalité relèvent purement de l’action répressive: l’envie de «faire de la procédure» et d’exister….médiatiquement. A propos d’un contrôle de ce type devant de le collège de Vendres ( Hérault),le colonel de gendarmerie exposait dans Midi Libre que ces procédés étaient légaux et que « les réactions négatives n’étaient qu’idéologiques »
Est ce la bonne réponse face au problème posé par la toxicomanie dans la jeunesse.. En effet, la plupart des gendarmes expliquent qu’ils interviennent sur dénonciations ou sur l’invitation d’un(e) principal(e) ou d’un proviseur(e) visiblement débordé par ce problème dans son établissement….
Quelques remarques de bon sens suffirait à éclaircir les esprits à ce sujet:
a. Ce type de manière de procéder jette la suspicion sur tous les élèves, voir les jeunes en général laissant accréditer l’idée que le collège et le lycée sont les principaux lieux du deal de drogues…. L’on aboutit a traiter comme suspect ceux « qui n’ont rien fait et n’ont rien a se reprocher». Du reste le contrôle effectué le au collège de Vendres n’a rien donné….
b. Ces contrôles discréditent totalement les services qui y procédent car tout le monde sait où le trafic a lieu, la plupart du temps hors des temps scolaires et dans des endroits clairement déterminé par le savoir populaire ( telle esplanade, telles heures, tel carrefour etc…). …
c. Enfin quelle quantité comptent saisir les services et quel type de trafiquant comptent t-ils interpeler? Le jeune qui s’est acheté une demi barette auprès d’un revendeur de village que l’on ira , ensuite, rechercher. Croit t-on vraiment que c’est cette action va empêcher le jeune de re-fumer…….
d. C’est, enfin, faire croire que seul un danger menace ces jeunes: la cannabis alors même que l”alcool voire les deux associés ( poly-toxicomanie) représente la cruelle réalité. ( sans oublier d’autres facteurs de santé publique liée à de mauvaise habitudes de vie et d’alimentation)
e. Les conséquences ont les connait pour le jeunes scolaires interpelés : exclusion du collège ou du lycée donc désinsertion scolaire, procédure pénale d’usage donc inscription ( quasiment à vie) sur le Système de traitement des Infraction Constatées barrant une bonne partie de l’avenir professionnel. Beau résultat ! Tout cela pour faire une croix de plus dans la colonne « afffaire élucidée mineurs »
C’est bien à de l’impéritie à laquelle on assiste. Ne serait-il pas de meilleure politique de repérer les jeunes en désinvestissement scolaire et de consommation toxique ( y compris alcool) et les orienter vers une structures de soins et d’écoute ( y compris leurs parents) au lieu d’accentuer leur marginalisation….
Cette dramatisation outrancière d’un phénomène de consommation toxique qui dure depuis au moins vingt ans ne sert pas une politique raisonnée de lutte contre la toxicomanie et est en réalité un mode d’exclusion scolaire et de la désinsertion sociale. Cela revient a nier le phénomène , malheureusement massif, de ce type de consommation et transforme les quelques interpellations faciles en boucs émissaires.
– B) la faillite d’une politique de répression de la toxicomanie.
De nombreux débats ont eu lieu dans les années 1990 sur la nécessité de maintenir ou pas une politique de répression de l’usager de drogues illégales. Après quelques déclarations un peu anciennes de Bernard Kouchner ( alors ministre de la santé dans un gouvernement de gauche plurielle) sur la nécessité de contraventionnaliser ce phénomène….. le choix a été d’augmenter le nombre de poursuites pour des faits d’usage, les tribunaux allant jusqu’à prononcer des peines d’emprisonnement….
Les raisons invoquées sont toujours les mêmes: la sanction doit être privilégiée pour « cadrer » le toxico, c’est même une chance pour lui.., un moyen pour lui de faire une cure d’abstinence en prison..Il faut aussi que les services puissent mettre les consommateurs en garde à vue pour qu’ils » crachent » le nom de leur revendeur…….
L’on voit le résultat: augmentation de la consommation, extension sur tout le territoire, exclusion accrue des toxicomanes, et maintenant suspicion généralisée de la jeunesse…
Malgré ce constat et de l’inadéquation du rôle de la prison et ses cellules surchargées pour soigner les toxicomanes, cette politique perdure et s’amplifie: c’est dans cette droite ligne que s’explique ces contrôles dans les établissements scolaires bien qu’il soit aujourd’hui désavoués par le gouvernement.
En 1995, une étude économique avait évalué à 4, 72 milliards de francs les sommes dépensées par l’Etat en matière de lutte contre les toxicomanies dont 70 % pour les services de la justice, gendarmerie, police, douane, seuls étaient affectés 629,10 millions de francs consacrés à la prise en charge sanitaire des toxicomanes en 1995, ( cout de la lutte anti drogue Le Monde 10 mars 1997).
Ce déséquilibre manifeste au profit de la répression pénale persiste encore et toujours. Certes la priorité doit être donnée au démantèlement des réseaux de trafics mais justement ce but est totalement dévoyé par la poursuite pénale du petit consommateur …….
Selon l’OFDT en 2006 les forces d’ordre ont procédé à 84000 interpellations pour usage de stupéfiants.Ces interpellations pour usage de cannabis représentent 90 % des interpellations pour usage de stupéfiants. En dehors des affaires d’usage, les services de police et de gendarmerie ont effectués 7 200 interpellations pour usage-revente et 3 800 pour trafic de cannabis .
C’est une culture bureaucratique de la statistique , de la course au chiffre, les affaires « d’ILS » devenant la facilité des audiences correctionnelles. Lorsque vous interpelez un fumeur de joint vous avez en même temps le délit et l’auteur et donc une affaire résolue….
Cet absence totale d’innovation en matière de lutte contre la toxicomanie résulte aussi du caractère frileux et démagogues des politiques successives qui ont été mise en place. La Mission Interministérielle de Luttes contre les Dépendances et Toxicomanies ( MILDT)y contribue grandement: organe qui maîtrise la répartition de la majorité des budgets, elle répond à une commande politique empêchant l’émergence d’un véritable débat et le retour des expériences innovantes de terrrain. Il faudra un jour se poser la responsabilité de ce type de structure dans ce gachis humain .
C’est bien l’absence d’une politique volontariste et réaliste de prévention et de soins qui entraîne les établissements scolaires dans le schéma rustique du tout représsif…
– C) Des procédés rustiques qui s’éloignent de la légalité
Après l’émotion crée dans le public par les diverses affaires de fouilles dans les collèges, Mme la Ministre de l’Intérieur Mme Alliot-Marie a adressé mardi 16 décembre 2008 une circulaire aux préfets pour qu’ils veillent à ce qu’il n’y ait aucune confusion entre les actions de sensibilisation et les opérations de contrôle menées par police et gendarmerie dans les établissements scolaires.Dans cette circulaire, dont l’AFP a eu connaissance, la ministre de l’Intérieur souligne la “pertinence et l’efficacité” des actions de sensibilisation aux drogues menées en milieu scolaire par les services de police et de gendarmerie, mais il appelle à ce qu’elles ne soient pas confondues “avec des opérations de contrôle entrant dans un cadre judiciaire, sous l’autorité du procureur”.
De même, la ministre de l’Intérieur a demandé une “enquête interne” pour déterminer les conditions dans lesquelles” a eu lieu l’opération de Marciac, a-t-on indiqué mardi Place Beauvau.
De manière générale , l’article 40 du Code de Procédure Pénale dispose que :
« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs »
Ainsi, une circulaire interministérielle pour la prévention de la violence en milieu scolaire précise la procédure de signalement de l’infraction pénale :
les chefs d’établissement adressent au procureur de la République de leur département un signalement systématique, directement ou en temps réel de tout incident grave ou pénalement répréhensible commis dans un établissement scolaire
un magistrat du parquet, spécialement désigné, pourra être joint à tout moment par téléphone ou par télécopie ; il appréciera la réponse la plus adaptée qu’il convient d’apporter au signalement. En retour, les chefs d’établissement seront informés des suites données »
Donc, la fouille peut être demandée par le chef d’établissement à un officier de police judiciaire en cas de suspicion de possession par un élève d’objets dangereux ou de substances illicites
Sommes nous dans ce type de procédure , la réponse semble affirmative:
Dans le Gers, par exemple, La procureure de la République interviewée sur cette opération répondait « Les élèves ont peur de ces contrôles ; ça crée de la bonne insécurité, satisfaisante en termes de prévention », a-t-elle confié à la Dépêche du Midi. Elle se félicitait du fait qu’il y ait eu 25 opérations anti-drogue depuis début 2008.L
Dans l’Hérault, idem, c’est une opération de fouille à la sortie du bus scolaire , autorisée par le Procureur de La République à laquelle a procédé les gendarmes..
A chaque fois est utilisée la brigade canine et en cas de réaction positive des chiens, il sera mis en oeuvre une procédure de délit flagrant, dans laquelle toute constatation utile (à la manifestation de la vérité) est possible, donc fouille, perquisition, saisie, garde à vue…
Toutefois dans cet édifice procédural quelques remarques s’imposent:
a. l’utilisation d’une brigade canine à priori dans des locaux destinés à l’enseignement, ou à l’entrée..sur quelle base factuelle est déployé un tel dispositif…Une affirmation du chef d’établissement qu’il y aurait de la fumette dans son établissement..!!!.A tout le moins un principe de proportionnalité doit s’appliquer….. et là on dépasse largement tout cadre…
b. les fouilles ordonnées sur indication des chiens……n’ont rien donné, preuve s’il en est que ce type de procédure repose sur des bases totalement artificielles, totalement en dehors d’une réalité autrement plus complexe et visiblement hors de portée des promoteurs de telles opérations. Une procédure de ce type n’est pas sanctionnée en tant que telle mais doit être qualifiée d’abusive…….
Un collectif de syndicats et d’ONG ( Lige des droits de l’Homme, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France) mettent en place une mission d’information pour connaitre la genèse de ces procédures et leurs cadre légal, il semble sûr que nous aurons droit à de nouveaux développements sur ces drôles de mission des services de gendarmerie et police.
Toutefois, ces débordements sont les symptômes d’une politique de prévention et de lutte contre les toxicomanies qui est arrivée à son terme. Il est temps de tout reprendre à zéro. La première mesure serait de contraventionnaliser l’usage des stupéfiants afin de désamorcer cette escalade punitive inutile et d’orienter véritablement les services de polices et gendarmerie contre les réseaux organisés de trafic, de développer de véritables actions de soins et de prévention et de se poser les bonnes question en terme géo-politique.
Gilles Sainati
Parent d’élève FCPE – Membre du Syndicat de la magistrature