Lorsque je suis arrivée en Europe en avril 2007, j’ai réalisé que les aspects culturels et médicaux de la feuille de coca était méconnus du grand public. Toute était elle est associée à la Cocaïne et donc affectée à une image de loin très négative.
En tant qu’étudiante Bolivienne en Anthropologie, je propose tout naturellement une réflexion plus poussée sur la végétation de cette plante en insistant d’une part sur son importance culturelle pour le peuple bolivien à travers diverses croyances ainsi qu’aux bienfaits qu’elle procure. D’autres part, je m’attacherai aux dangers auxquels s’expose cette végétation.
LA CULTURE DE LA FEUILLE DE COCA DANS LES ANDES EN DANGER
Lorsque je suis arrivée en Europe en avril 2007, j’ai réalisé que les aspects culturels et médicaux de la feuille de coca était méconnus du grand public. Toute était elle est associée à la Cocaïne et donc affectée à une image de loin très négative.
En tant qu’étudiante Bolivienne en Anthropologie, je propose tout naturellement une réflexion plus poussée sur la végétation de cette plante en insistant d’une part sur son importance culturelle pour le peuple bolivien à travers diverses croyances ainsi qu’aux bienfaits qu’elle procure. D’autres part, je m’attacherai aux dangers auxquels s’expose cette végétation.
I – Plus qu’une feuille, le coca est un facteur culturel…
Depuis plus de quatre mille ans, la feuille de coca, autrement appelée la coca, est au centre de diverses pratiques culturelles. En Bolivie, elle est un symbole à la fois de l’identité du peuple originaire des Andes (Bolivie, Pérou, Argentine…) mais aussi de la résistance du peuple andin face à l’injustice et à la violence des politiques menées par le gouvernement.
En effet, celui-ci a décidé de son arrachage forcé à caos de l’application stricte de la Convention de Stupéfiants de 1961, d’où un conflit entre l’armée chargée de cette opération et les paysans soucieux de leur terre alors que les deux parties sont géographiquement très proches (Quechua et Aymara ) et surtout de même origine ethnique, culturelle et sociale. Et le bilan n’est pas sans conséquence puisque le conflit entraîne des centaines de victimes tuées, torturés et emprisonnés et laissant nombre de familles traumatisées par la violence.
S’il est une autre injustice à évoquer, c’est celle de la mauvaise image liée à cette forme d’agriculture. La feuille de coca est souvent associée à l’activité de la cocaïne et par conséquent, les paysans sont stigmatisés de « narcotrafiquants ». C’est oublier toute la valeur sacrée de cette plante.
Si pour la majorité elle est une drogue, sa signification va au-delà de l’akullicu, autrement dit la mastication. Cette plante symbolise des croyances dans les liens entre l’esprit humain, la nature et le surnaturel. La feuille de coca sert d’offrande à la Terre-Mère appelé Pacha Mama. Elle est utilisée pour le début de relations cordiales et respectueuses comme à l’occasion d’un mariage ou le début d’un service militaire par exemple. Mais dans la croyance bolivienne, elle amène aussi la paix et la confiance afin d’affronter les réalités de la vie.
La feuille de coca aide également à améliorer la réciprocité et à distinguer les bonnes des mauvaises relations. Plus exactement, lors de rencontre de nouvelles personnes, il n’est pas rare de partager et consommer ensemble cette feuille sacrée. La croyance veut que si, après mastication il en ressort une saveur douce, alors cela veut dire que l’amitié avec cette nouvelle personne est sincère et fiable. Si, au contraire, il se dégage une saveur est amère, il faut se méfier de celle-ci. Le même procédé est utilisé pour favoriser le succès avant d’entreprendre des projets comme par exemple la réussite des études avant l’entrée dans une université, la réussite dans la vie…
Parallèlement, elle est une source durant les longues heures de travail et procure du réconfort pendant les pauses. Autant d’occasions quotidiennes pour mâcher cette feuille de coca et lier le naturel au surnaturel. Et personne, quelque soit la classe sociale, n’est épargné par ces pratiques culturelles. Pas même l’actuel Président bolivien Evo Morales qui a été intronisé par le peuple à travers un rituel avec la feuille de coca dans la cité Tiwanaku, près du lac Titicaca, où se trouve la Porte du Soleil. La tradition veut donc que la feuille de coca serve aussi à célébrer des évènements extraordinaires. A l’origine, il était coutume d’offrir un collier de feuilles de coca au guerrier victorieux.
Par ailleurs, dans les communautés (ayllus) quechuas et aymaras , l’homme et la femme, dit chacha warmi, jouent un rôle ancêtral dans l’organisation sociale de ce peuple. En effet, il règne un partage des idées entre la gent féminine et masculine et une vision commune des choses afin de parvenir à un équilibre et à la construction des règles dans la communauté. Ensemble, ils défendent la feuille de coca pour « maintenir l’organisation » et récupérer la souveraineté et l’identité du peuple. Sans cette plante, la culture perdrait de son importance: le carnaval, les fêtes agricoles comme celle de la floraison de la pomme de terre où les boliviens dansent pour remercier la Pacha Mama (mère terre).
Dans un tout autre domaine, médicale cette fois-ci, la coca procure de multiples bienfaits dans la guérison de nombreuses maladies. Cela est d’ailleurs confirmé par la recherche scientifique qui a démontré qu’elle contient de nombreuses vitamines et protéines. De même que des tests à l’université de Harvard indiquent qu’elle représente le végétal le plus riche en matière de vitamines des groupes A, B et C, calcium, fer et phosphore.
En 1997, une biologiste péruvienne au nom de Rosa Urrunaga a publié un article « Patrimonio Cultural: Saberes sobre Agrobiodiversidad en la Región Andina » sur les propriétés thérapeutiques de la coca. Elle lui attribue une multitude de qualités : analgésique, elle calme la douleur ; antipyrétique, elle fait baisser la température, aphrodisiaque, elle stimule l’activité sexuelle ; anorexigène, elle empêche la sensation de la faim et dépurative, elle purifie le sang. De même, elle constitue un excellent anti-stress et dégage des vertus amaigrissantes, anesthésiques, anticancéreuses, anti-diarrhéiques, antidiabétiques, anti-asthmatiques, antibiotiques, antivirales…
II – … Exposé au danger
Si depuis longtemps la feuille de coca était liée à la guérison et au surnaturel, il s’avère que depuis le XVIe siècle, les choses ont beaucoup changé avec l’arrivée des colons européens qui ont instauré de nouvelles règles très différentes.
En effet, l’esclavage et le travail forcé ont fait de cette plante une source d’alimentation et d’énergie et cela perdure encore aujourd’hui. Dans les années 1980, le gouvernement a mené une politique extrêmement inégalitaire d’ajustement structurel et de libéralisation des marchés aux dépens des pauvres des villes et des campagnes. Cette politique a contribué à l’affrontement des classes sociales. Dans la campagne, la sécheresse et le manque d’eau pour les terres agricoles ont conduit à une émigration massive. Ainsi, de nombreuses familles ont ainsi été victimes de départ forcé. La culture de la coca s’est alors intensifiée mais cette fois-ci, dans un but économique. De là, les effets néfastes de la drogue en Europe occidentale et en Amérique du Nord sont apparus.
Par conséquent, le gouvernement bolivien s’est vu adopter une politique très influencée par les Etats-Unis (ONU) avec l’application stricte de la Convention de Stupéfiants de 1961. L’objectif étant de supprimer la culture de cette plante. Exit la plantation de la feuille de oca comme geste sacré et représentatif de l’identité culturelle des Andes. Les préoccupations actuelles se portent davantage autour des conséquences du commerce de la drogue que de l’acculturation et de la destruction d’une civilisation originale.
Le gouvernement bolivien promet de changer la politique de développement et de favoriser la culture et la transformation industrielle de la feuille de coca. Pourquoi ne pas y parvenir ? Après tout, l’Europe et l’Amérique du Nord ont bien réussi avec le raisin, le café et le tabac.
La population locale est très enthousiaste puisqu’une petite association de familles s’est crée autour de la production de farine de coca mais aussi de bonbons, de maté… Cette initiative a d’ailleurs été reprise au Pérou. Le Président Evo Morales a même été jusqu’à défendre la feuille de coca à l’ONU et demandé qu’elle ne fasse plus partie de la liste des produits stupéfiants de la Convention de 1961.
De manière générale, la destruction forcée des cultures de coca en Bolivie a engendré une sorte de guerre civile entre paysans et militaires. Si l’éradication de cette feuille se poursuit, c’est une partie des pratiques culturelles qui disparaitront qui encadrent le « système social ». Si la société réalise l’importance de la coca pour le peuple andin rural et urbain, elle comprendra qu’il est injuste que cette plante soit banalisée en passant du statut de « sacré » à celui de « stupéfiant ». Pour eux, la feuille de coca reste et restera sacrée.
Beatriz Negrety Condori, Bolivie.
Etudiante d’Anthropologie Bordeaux 2