Le 15 mars, 1998, 14 ONG d’Europe, d’Afrique et d’Amérique Latine se rencontraient à Vienne, en Autriche, pour préparer une convergence d’opinion pour la Session Spéciale de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur les Drogues, qui aurait lieu à New York 3 mois plus tard. Après plusieurs heures de discussions, fut adopté le Manifeste pour une Politique des Drogues Juste et Efficace. Ce manifeste a été signé par plus de 200 organisations du monde entier, et représente le point de vue d’ ENCOD. A l’Assemblée Générale de ENCOD de 2004 à Copenhague, Manifeste fut adopté sous le nom de ENCOD: European Coalition for Just and Effective Drug Policies.
La Coalition Internationale des ONG en faveur d’une politique juste et efficace sur les drogues souhaiterait présenter son Manifeste. Les membres de cette coalition cautionnent collectivement les principes mentionnés dans le présent Manifeste. Chacune des organisations signataires de ce document affirme son accord formel dans ses champs de compétences spécifiques. Aussi, chacune de ces organisations reconnaît la spécificité et l’autorité des autres organisations dans leurs propres domaines.
POUR UNE POLITIQUE SUR LES DROGUES JUSTE ET EFFICACE
En tant qu’ONG préoccupée par l’impact croissant du trafic de drogues illicites et par les politiques destinées à les contrôler, sur le développement mondial, nous souhaitons présenter les considérations suivantes, ainsi que les propositions qui en découlent:
Nous constatons qu’actuellement, dans la majorité des pays, les politiques de contrôle des drogues tentent d’atteindre les objectifs fixés par les Conventions Internationales sur les Stupéfiants (de 1961, 1971 et 1988), que ces politiques se sont révélées inefficaces pour enrayer le trafic des drogues illicites, et,qu’au contraire, elles ont contribué à son augmentation, qu’elles ont causé des effets dommageables et contre-productifs, que les maillons les plus faibles de la chaîne du trafic de drogues illicites , (consommateurs, petits dealers et populations rurales impliquées dans les cultures illicites) ont souffert d’une façon disproportionnée les effets négatifs de ces politiques. Parmi ses effets, on peut mentionner :
a) la violation des droits élémentaires (politiques, économiques, culturels, sanitaires, etc.) ;
b) la criminalisation et la discrimination, qui entraînent la marginalisation des consommateurs de drogues et des cultivateurs impliqués dans les cultures illicites, ainsi que pour d’autres populations défavorisées liées à la production et au trafic de drogues illicites ayant cependant un niveau de responsabilité faible ou nul ;
c) le gaspillage des fonds destinés à l’interdiction, qui seraient mieux utilisés pour la mise en place de programmes adéquats de prévention, de traitement et de réduction des risques ;
d) le dommage causé à l’environnement à cause des méthodes d’éradication et de substitution ;
e) la violation de la souveraineté nationale des états signataires des Conventions des Nations Unies sur les Drogues et en particulier des pays dit producteurs de drogues ;
f) l’érosion de l’Etat de Droit, avec la création d’organes de contrôle nationaux et internationaux qui ne respectent pas les principes démocratiques ; l’extension des procédures arbitraires et de la corruption.
Pour ces raisons, nous considérons que ces politiques de contrôle des drogues sont inefficaces, inutiles et constituent un obstacle important à l’introduction de stratégies novatrices concernant le phénomène des drogues illicites tant d’un point de vue global que local. Nous pensons que le renforcement de la politique actuelle générera une détérioration de la situation des drogues et une perte croissante de crédibilité de ces politiques auprès de l’opinion publique en général.
De plus, nous constatons que la politique actuelle de contrôle des drogues a pris place dans un contexte de globalisation de l’économie et de libéralisation du commerce et que de tels processus peuvent créer des conditions propres à compliquer la mise en œuvre de la majorité des politiques de contrôle des drogues.
Nous pensons que les politiques de contrôle des drogues doivent être subordonnées à des principes fondamentaux, tels que ceux qui figurent dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Convention sur la bio-diversité et autres accords internationaux. Nous pensons en particulier aux principes qui garantissent le respect des droits sociaux, économiques et politiques ainsi que la diversité culturelle de tous les individus, et ceux qui prennent en compte la pérennité de la planète. Nous croyons que de telles politiques devraient être mises en place en premier lieu pour appuyer la création de structures destinées à réduire les dommages éventuels que la production, le trafic et la consommation de drogues pourraient générer.
Pour cela, nous proposons aux gouvernements du monde de prendre les mesures suivantes afin d’améliorer les politiques actuelles de contrôle des stupéfiants, dans une optique d’efficacité, de crédibilité et de viabilité accrue :
a) ne pas persécuter les petits producteurs de plantes utilisées pour la production de drogues illicites et mettre en place des mesures structurelles aux niveaux économique, politique et social, sur une base consensuelle impliquant tous les secteurs concernés, afin d’apporter des alternatives réelles à la dépendance des dites cultures ;
b) suspendre les opérations d’éradication forcée et les mesures de destruction des cultures ayant un impact négatif sur l’environnement et la santé humaine, tels que les pratiques dévastatrices de fumigation aérienne avec des herbicides et des défoliants ;
c) démettre l’appareil militaire de ses fonctions de lutte antidrogues, démilitariser les zones de cultures illicites;
d) ne pas poursuivre les consommateurs de drogues, et chercher des formes de régulation qui soient socialement et culturellement acceptables par les populations locales concernées et mettre en place des mesures importantes pour prévenir et traiter la consommation problématique de drogues et réduire les dommages causés par les drogues ;
e) abolir toute législation exceptionnelle de contrôle des drogues qui viole les garanties légales et les procédures acceptées universellement ;
f) garantir tous les droits qui appartiennent à une société pluraliste caractérisée par la tolérance et un esprit d’ouverture, considérés comme essentiels dans un système démocratique et en particulier, la liberté d’expression, et le droit de parole pour chaque individu, sur des thèmes liés aux drogues;
g) garantir la souveraineté des pays et des peuples et éviter toutes les pressions sur les pays dits producteurs de drogues;
h) garantir la transparence et l’utilisation socialement utile de l’argent et des biens confisqués aux narcotraficants.
Aussi, nous proposons une nouvelle classification des substances psychoactives, qu’elles soient licites ou illicites, basée sur des données scientifiques qui mettent en évidence les dommages causés à la santé.
En accord avec les observations et propositions formulées dans le présent texte, nous vous demandons d’accorder une marge de manœuvre plus importante aux pays signataires pour expérimenter localement des politiques alternatives (qui pourraient inclure des étapes vers la légalisation de certaines substances), que la communauté internationale pourrait prendre en exemple dans sa recherche d’une politique plus juste et plus efficace.
Vienne, le 15 mars 1998
* Le Terme « O.N.G. » est employé au sens large, afin d’inclure toutes les associations, institutions et organisations populaires.
La suivante organisation signe ce Manifeste:
Nom :
Adresse :
Personne à contacter :
Veuillez S.V.P. envoyer votre signature à :
EUROPEAN COALITION FOR JUST AND EFFECTIVE DRUG POLICIES (ENCOD)
Ploegstraat 27, 2018 Antwerpen, Belgium
Telephone: +32 495 122 644
e-mail: office@encod.org